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servit d’eux pour ourdir la trame la plus perfide et la plus criminelle. Il allait chaque jour rapporter à Dion les discours vrais ou faux qu’on tenait contre lui : par ce moyen, il gagna tellement sa confiance, et s’assura une si grande liberté, qu’il pouvait parler secrètement à qui il voulait, et dire contre Dion tout ce qu’il jugeait à propos ; Dion le lui avait même ordonné, afin de connaître ceux qui nourrissaient des germes de haine et de sédition. Or, il en résulta que Callippus connut bientôt ceux dont l’esprit était corrompu, et qu’il lui fut facile de les ameuter contre Dion ; en même temps, si quelqu’un des soldats, rejetant les propositions de Callippus, allait dénoncer à Dion ses intrigues, Dion ne s’en inquiétait et ne s’en troublait nullement, persuadé que Callippus ne faisait qu’exécuter ses ordres.

Le complot était déjà formé, lorsqu’il apparut à Dion un fantôme effrayant et monstrueux. Dion était assis sur le soir dans un portique de sa maison, livré à de profondes réflexions, quand tout à coup il entend du bruit à l’autre bout du portique : il jette ses regards de ce côté, et à la faveur du jour qui restait encore, il aperçoit une femme d’une haute stature, qui, par les traits du visage et par l’habillement, ressemblait à une furie de théâtre, occupée à balayer la maison. Surpris et effrayé de cette apparition, il fait appeler ses amis, leur raconte la vision qu’il vient d’avoir, et les prie de passer la nuit avec lui, avouant qu’il est hors de lui-même, et qu’il craint que ce fantôme ne vienne s’offrir de nouveau à lui quand il sera seul ; mais le fantôme ne reparut plus. Peu de temps après, son fils, qui n’était guère qu’un adolescent, dans un mouvement de colère, dont le sujet était assez léger, se précipita du toit de la maison, la tête la première, et se tua[1]. Ce mal-

  1. Cornélius Népos raconte que Denys s’était attaché à corrompre, dès l’enfance, le fils de Dion ; que Dion, pour guérir le jeune homme de ses vices, l’avait mis entre les mains de maîtres sévères, chargés de le surveiller sans cesse ; et c’est l’impatience de ce joug qui détermina l’acte de désespoir par lequel le fils de Dion mit fin à sa vie.