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ration de sa fortune, et s’il se montrerait tempérant dans de si grands succès. Quant à sa gravité dans le commerce de la vie et à la sévérité dont il usait envers le peuple, il se fit un devoir de n’en rien relâcher, bien que sa situation présente eût demandé de la douceur et de la grâce, et que Platon l’en reprît et lui écrivît, comme nous l’avons rapporté, que l’opiniâtreté était la compagne de la solitude. Mais son caractère était opposé à ces moyens d’insinuation ; d’ailleurs il voulait ramener les Syracusains, corrompus par la flatterie, à des mœurs plus sévères.

Cependant Héraclide recommençait ses intrigues. Dion l’ayant appelé au conseil, il refusa de s’y rendre, sous prétexte qu’étant simple particulier, il se trouverait à l’assemblée avec les autres citoyens. Ensuite, il fit un crime à Dion de n’avoir pas rasé la citadelle, et de s’être opposé à ce que le peuple ouvrît le tombeau de l’ancien Denys pour en tirer le cadavre et le jeter à la voirie ; puis, d’avoir fait venir de Corinthe, par dédain pour ses concitoyens, des gens pour l’aider de leurs conseils et gouverner avec lui. Dion, en effet, avait appelé des Corinthiens, espérant qu’aidé de leur secours, il viendrait plus facilement à bout d’établir la forme de gouvernement qu’il avait imaginée : il se proposait d’abolir cette démocratie pure, qu’il regardait, non comme un gouvernement, mais plutôt, selon l’expression de Platon, comme un encan public de toutes sortes de gouvernements[1] et d’y substituer une forme de république moitié lacédémonienne, moitié crétoise, c’est-à-dire composée de royauté et de démocratie, où l’aristocratie dominerait et déciderait des plus importantes affaires. Il voyait d’ailleurs qu’à Corinthe, où le gouvernement penchait vers l’oligarchie, la plupart des affaires n’étaient point soumises à la discussion du

  1. Voyez le huitième livre de la République de Platon.