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Le jeune homme, abandonné de tout le monde, eut recours à Cicéron. Cicéron fut vivement pressé par ses amis de se charger d’une affaire qui lui offrait une occasion d’entrer dans la carrière de la gloire, comme il n’en trouverait jamais de plus éclatante ni de plus belle. Il consentit donc à défendre Roscius, et réussit à le sauver. Ce succès lui valut l’admiration générale ; mais, redoutant la vengeance de Sylla, il quitta Rome, et alla voyager en Grèce. Il répandit le bruit que c’était pour rétablir sa santé délabrée ; et, en effet, il était maigre et décharné, et avait l’estomac si faible, qu’il ne pouvait manger que fort tard, et ne prenait que peu de nourriture. Ce n’est pas que sa voix ne fût forte et sonore ; mais elle était dure et peu flexible ; et, comme il déclamait avec beaucoup de chaleur et de véhémence, montant sans cesse jusqu’aux tons les plus hauts, on craignait que sa vie ne fût compromise.

Arrivé à Athènes, il prit les leçons d’Antiochus l’Ascalonite : la douceur et la grâce des discours de ce philosophe l’enchantaient, quoiqu’il n’approuvât pas les innovations qu’Antiochus avait faites dans les doctrines. Car Antiochus s’était déjà séparé de la nouvelle Académie et de l’école de Carnéade ; soit qu’il n’eût fait que céder à l’évidence des sens, soit, comme d’autres le veulent, qu’une sorte d’ambition, et des différends avec les disciples de Clitomachus et de Philon, lui eussent fait changer de sentiment, et embrasser la plupart des dogmes stoïciens. Cicéron aimait la nouvelle Académie ; c’était l’école dont il étudiait le plus volontiers les écrits : il projetait même, au cas qu’il fût forcé d’abandonner les affaires et de renoncer au Forum et aux emplois, de se retirer à Athènes pour y mener une vie tranquille, dans le sein de la philosophie. Mais, ayant appris la mort de Sylla, et sentant que son corps, fortifié par l’exercice, avait repris toute sa vigueur ; que sa voix, bien formée, joignait la dou-