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de la charge d’amiral, persuadée d’ailleurs que, bien qu’il fût peu estimable dans tout le reste, il était du moins plus populaire que Dion et plus soumis aux volontés de la multitude, s’y opposa jusqu’à causer du tumulte. Dion céda sur ce point à cette populace, et remit à Héraclide le commandement des forces navales ; mais il leur déplut singulièrement, quand il s’opposa au partage qu’ils voulaient faire des terres et des maisons, et qu’il annula tout ce qui avait été décrété à ce sujet.

Héraclide, alors à Messine, tira de là un nouveau prétexte d’intrigues : il ne cessait de pratiquer les soldats et les matelots qui s’étaient embarqués avec lui ; il les aigrissait contre Dion, qu’il accusait d’aspirer à la tyrannie, pendant qu’il traitait lui-même secrètement avec Denys, par l’entremise de Pharax le Spartiate. Les plus considérables d’entre les Syracusains s’en étant douté, il y eut dans le camp une sédition, qui réduisit la ville à une si grande disette, que Dion ne savait quel parti prendre : encore s’entendait-il blâmer par ses amis, qui lui reprochaient d’avoir fortifié contre lui-même un homme aussi intraitable, aussi corrompu par l’ambition et par l’envie, que l’était Héraclide. Pharax était campé sous les murs de Néapolis, dans le territoire d’Agrigente. Dion, à la tête des Syracusains, marcha contre lui ; mais, comme il différait le combat, attendant une occasion plus favorable, Héraclide et ses matelots se récrièrent, disant que Dion ne voulait point terminer cette guerre par une seule bataille, mais la faire traîner en longueur pour commander plus longtemps. Il se vit donc contraint de livrer la bataille, et la perdit : toutefois la défaite fut peu considérable, et vint en partie de la mutinerie des soldats. Dion se préparait à un second combat ; déjà il rangeait ses troupes en bataille, les encourageant à bien faire, lorsqu’à l’entrée de la nuit on vint l’avertir qu’Héraclide avait mis à la voile avec toute sa flotte, et cinglait