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que le tumulte fut apaisé, Dion ordonna à ses soldats d’aller se préparer pour le départ, et, aussitôt leur repas pris, de revenir dans ce même lieu, parce qu’il voulait partir la nuit même pour Syracuse.

Cependant, à Syracuse, les généraux de Denys firent durant tout le jour le plus de mal qu’ils purent ; et, dès que la nuit fut venue, ils se retirèrent dans la citadelle, n’ayant perdu qu’un très-petit nombre des leurs. Alors les démagogues des Syracusains reprirent confiance, espérant que les ennemis s’en tiendraient à ce qu’ils venaient de faire : ils conseillèrent aux habitants de ne plus penser à Dion, et de ne pas le recevoir s’il venait à leur secours avec ses troupes. « Il ne faut pas, disaient-ils, céder la place au courage de ces étrangers, comme si nous les reconnaissions plus braves que nous-mêmes : ne devons qu’à nos propres forces le salut de notre ville et notre liberté. » Les magistrats envoient donc de nouveaux députés à Dion, pour l’empêcher de venir. Mais en même temps les cavaliers et les principaux citoyens en font partir d’autres pour le presser de hâter la marche. Ce fut là pour lui un motif de cheminer plus lentement. Quand la nuit fut avancée, ceux qui haïssaient Dion se saisirent des portes pour l’empêcher d’entrer dans la ville. Mais Nypsius fait sortir de la citadelle ses soldats plus nombreux et plus déterminés que la veille ; et ceux-ci, après avoir achevé de détruire la muraille qui les enfermait, se répandent par toute la ville, et la mettent au pillage. Ils égorgent non-seulement les hommes, mais les femmes et les enfants : peu s’arrêtent à piller, on ne pense qu’à détruire ; car Denys, désespérant de ses affaires, et ayant voué aux Syracusains une haine implacable, voulait en quelque sorte ensevelir la tyrannie sous les mines de Syracuse[1]. Les sol-

  1. Plutarque ne veut pas dire que Denys exprimait présentement ce désir, puisque Denys n’était plus en Sicile ; il fait entendre que c’étaient là les ordres qu’il avait donnés à Nypsius.