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leur orateur qu’eussent les Romains, mais aussi pour le meilleur de leurs poètes. Le renom de son éloquence subsiste encore, malgré les changements considérables qu’a subis la langue latine ; mais le grand nombre de poètes excellents qui sont venus après lui ont effacé complètement et ruiné sa gloire poétique.

Au sortir de ses premières études, il prit les leçons de Philon l’académique, celui des disciples de Clitomachus[1] dont les Romains avaient particulièrement l’éloquence en admiration, et le caractère en estime. Cicéron fréquentait en même temps la maison de Mucius[2], homme d’État distingué et la lumière du Sénat : il y puisa une connaissance profonde des lois romaines. Il servit quelque temps sous Sylla dans la guerre des Marses ; puis, comme il eut vu la république tomber dans la guerre civile, et de la guerre civile dans une monarchie absolue, il embrassa une vie de méditation et d’étude, conversant avec des savants grecs, et s’appliquant aux sciences, jusqu’au moment où Sylla se fut emparé du pouvoir suprême, et eut donné au gouvernement une sorte de stabilité. En ce temps-là Chrysogonus, affranchi de Sylla, ayant acheté, pour la somme de deux mille drachmes[3], les biens d’un homme qu’on avait fait mourir comme proscrit, Roscius, fils et héritier du mort, indigné de cette vente inique, prouva que ces biens valaient deux cent cinquante talents[4]. Sylla, convaincu de cette énorme injustice, ne se posséda point ; et, à l’instigation de Chrysogonus, il intenta à Roscius une accusation de parricide. Personne n’osait venir à son secours : l’effroi qu’inspirait la cruauté de Sylla éloignait tous ceux qui auraient pu le défendre.

  1. Clitomachus, puis Philon, furent les successeurs de Carnéade dans la direction de la troisième Académie.
  2. Q. Mucius Scévola l’augure.
  3. Environ dix-huit cents francs de notre monnaie.
  4. Près de quinze cent mille francs.