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dit que Philistus, voyant son navire pris, se donna lui-même la mort ; mais Timonidès qui, depuis le commencement de la guerre, combattit toujours auprès de Dion, écrivant au philosophe Speusippe, rapporte que Philistus fut pris en vie par les Syracusains, sa trirème ayant échoué contre la côte ; que d’abord ils lui ôtèrent sa cuirasse, le mirent tout nu, et, sans respect pour sa vieillesse, lui firent mille outrages ; qu’ensuite ils lui coupèrent la tête, et livrèrent le corps à leurs enfants, leur ordonnant de le traîner le long de l’Achradine, puis de l’aller jeter dans les carrières. Timée va plus loin encore : il dit que les enfants prirent le cadavre par la jambe boiteuse, et le traînèrent par toute la ville, exposé aux insultes et aux railleries des Syracusains, qui voyaient avec plaisir traîner de la sorte celui qui avait dit qu’il ne fallait pas que Denys s’enfuît de la tyrannie sur un cheval léger, mais qu’il se laissât traîner par la jambe plutôt que d’y renoncer volontairement. Toutefois Philistus rapporte ce mot dit à Denys comme venant d’un autre que lui-même.

Mais Timée, prenant pour prétexte, et non sans quelque justice, le zèle et la fidélité de Philistus pour le maintien de la tyrannie, a rempli son histoire d’imputations calomnieuses contre Philistus. Or, que ceux qui eurent à souffrir de l’injustice du tyran aient assouvi leur colère sur un cadavre insensible, c’est chose qu’on peut encore excuser ; mais qu’après un aussi long temps, des historiens à qui Philistus n’a fait aucun tort, et qui au contraire ont profité de ses écrits, viennent lui reprocher, avec une raillerie insultante, des malheurs dans lesquels l’homme même le plus vertueux peut être précipité par un revers de fortune, c’est une injustice dont le soin seul de leur réputation aurait dû les garantir. Éphore ne se montre guère plus sage dans les louanges qu’il donne à Philistus ; car, bien qu’il soit le plus habile des écrivains pour co-