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deux premiers noms, Marcus Tuilius ; mais, à la place du troisième, il commanda par plaisanterie à l’artiste de graver un pois chiche. Voilà ce qu’on rapporte à propos de son nom.

On dit que sa mère le mit au monde sans douleur et sans travail : c’était le 3 de janvier, auquel jour les magistrats de Rome font maintenant des vœux et des sacrifices pour la prospérité de l’empereur. On assure qu’un fantôme apparut à sa nourrice, et lui dit que l’enfant qu’elle allaitait serait le soutien de Rome. Ces prédictions, qu’on taxe ordinairement de rêves et de folie, Cicéron fut à peine en âge de s’appliquer à l’étude qu’il prit à tâche d’en démontrer la réalité. L’excellent naturel qui brillait en lui le rendit si célèbre entre ses camarades, que les pères de ces enfants allaient aux écoles pour voir Cicéron de leurs propres yeux, et pour être témoins par eux-mêmes de tout ce qu’on racontait de son grand sens et de sa vivacité de conception. Quelques-uns d’entre eux, plus grossiers, s’emportaient contre leurs fils, quand ils les voyaient, dans les rues, mettre, par honneur, Cicéron au milieu d’eux.

Il avait cette qualité naturelle qui constitue, suivant Platon[1], l’aptitude littéraire et philosophique : il était capable d’embrasser toutes les sciences, et ne dédaignait aucun genre d’étude ni de savoir littéraire ; mais il se porta d’abord avec plus d’ardeur vers la poésie ; et il existe un petit poëme en vers tétramètres, intitulé Pontius Glaucus[2], qu’il composa étant tout enfant encore. À mesure qu’il avança en âge, il perfectionna ce talent par la culture, et passa, non point seulement pour le meil-

  1. Républ., v, 19 ; vi, 2.
  2. Sur l’aventure de ce pêcheur béotien, qui, s’étant jeté dans la mer après avoir mangé d’une certaine herbe, était devenu un dieu marin.