Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en ordre de bataille, conduits par leurs capitaines. Les Syracusains, ravis de les voir, les reçurent comme une procession sacrée et digne du regard des dieux, et qui ramenait dans leur ville, après quarante-huit ans d’exil, la liberté et la démocratie.

Lorsque Dion fut entré dans la ville par la porte Ménitide, il fit sonner les trompettes pour apaiser le tumulte, puis publier par un héraut, que Dion et Mégaclès étaient venus pour abolir la tyrannie, et qu’ils affranchissaient les Syracusains ainsi que les autres peuples de la Sicile du joug du tyran. Et, comme il voulait haranguer lui-même la multitude, il monta au haut de la ville, en longeant la rue de l’Achradine. Partout, sur son passage, les Syracusains avaient dressé des deux côtés des tables chargées de coupes, et préparé des victimes ; et, lorsqu’il passait devant eux, ils jetaient sur lui des fleurs et des fruits, et lui adressaient leurs prières comme à un dieu. Il y avait, au-dessous de la citadelle et du lieu appelé les Pentapyles[1], une horloge solaire fort élevée et très-découverte, que Denys avait fait bâtir : ce fut là que Dion monta pour haranguer le peuple et l’exhorter à défendre sa liberté. Les Syracusains, ravis de l’entendre, et voulant lui témoigner leur reconnaissance, l’élurent lui et son frère capitaines généraux, avec un pouvoir absolu ; puis, de leur consentement, et à leur prière même, ils leur adjoignirent vingt de leurs concitoyens, dont dix faisaient partie de ceux que le tyran avait bannis, et qui étaient revenus avec Dion. Les devins regardèrent comme un heureux présage pour Dion, qu’il eût sous les pieds, en haranguant le peuple, le magnifique bâtiment que Denys avait élevé : toutefois, comme cet édifice était une horloge solaire, et que c’était là qu’il avait été nommé général, ils craignirent qu’il n’éprouvât dans son entre-

  1. Ce mot signifie les cinq portes.