Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Sicile : c’était le lever de l’Arcture. Les éclairs et les tonnerres, accompagnés de torrents de pluie, excitèrent une si affreuse tempête, que les matelots effrayés ne reconnaissaient plus leur route. Tout à coup, ils s’aperçoivent que les vaisseaux, poussés par les vagues, étaient portés vis-à-vis de la côte d’Afrique, contre l’île de Cercine[1], et à l’endroit le plus dangereux, à cause des rochers dont elle est hérissée. Comme ils touchaient au moment d’être jetés et brisés contre ces rochers, les matelots firent, avec leurs perches, de si vigoureux efforts, qu’ils parvinrent, non sans peine, à éloigner les vaisseaux de la côte. Enfin la tempête s’apaisa ; et, ayant rencontré un petit bâtiment, ils apprirent qu’ils étaient à l’endroit appelé les têtes de la grande Syrte. Ils voguaient ainsi au hasard, découragés par le calme, lorsqu’il s’éleva de la côte quelques légers souffles de vent du midi : changement qui les surprit si fort, qu’ils osaient à peine y croire. Mais ce vent prit peu à peu de la force, et ils déployèrent toutes leurs voiles ; et, après avoir fait leurs prières aux dieux, ils s’éloignèrent des côtes d’Afrique, et cinglèrent vers la haute mer, pour gagner la Sicile.

Après quatre jours d’une navigation rapide, ils entrèrent dans le port de Minoa[2], petite ville de Sicile, sous la domination des Carthaginois. Le commandant de la place, nommé Synalus, Carthaginois de nation, était alors dans la ville. Il était hôte et ami de Dion ; mais, comme il ignorait que ce fût lui et sa flotte, il voulut s’opposer à la descente des soldats : ils débarquèrent pourtant, les armes à la main, mais ne tuèrent personne ; car Dion le leur avait défendu, à cause de l’amitié qui l’unissait au commandant : ils mirent aisément en fuite les troupes de Synalus, entrèrent avec elles dans la ville, et s’en ren-

  1. À l’entrée de la petite Syrte.
  2. Sur la côte méridionale de l’île.