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galère à trente rames pour redemander Platon à Denys, et pour faire ressouvenir au tyran que Platon n’était venu en Sicile que sur la caution d’Archytas, qui avait répondu qu’il y serait en sûreté. Denys, pour se justifier du reproche de haïr Platon, eut soin, avant son départ, de le combler de témoignages d’estime et d’amitié ; et, quand il fut sur le point de s’embarquer : « Platon, lui dit-il, je crois que, de retour à Athènes, tu diras bien du mal de moi avec tes philosophes. — À Dieu ne plaise, répondit Platon en souriant, que nos sujets de conversations à l’Académie soient assez stériles pour que nous y fassions mention de toi. »

Voilà, suivant les auteurs, comment Platon fut renvoyé : cependant ce que Platon lui-même a écrit à ce sujet[1] ne s’accorde pas entièrement avec cette tradition. Dion fut indigné de la conduite de Denys ; et, peu de temps après, ayant appris les violences dont le tyran avait usé envers sa femme, il se déclara ouvertement son ennemi. Platon donna avis à Denys de ce grief de Dion, mais en termes obscurs et énigmatiques. Et voici de quoi il s’agissait. Après que Dion eut été chassé de Sicile, Denys, en renvoyant Platon, le chargea de s’informer secrètement auprès de Dion s’il voudrait consentir à ce que sa femme fût mariée à un autre ; car il courait un bruit, soit véritable ou forgé par les ennemis de Dion, que ce mariage n’avait point été de son goût, et que la société de sa femme lui était désagréable. Platon, de retour à Athènes, rendit compte à Dion de tout ce qui s’était passé en Sicile ; puis il écrivit au tyran une lettre intelligible pour tout le monde, à l’exception de l’article du mariage, que Denys seul pouvait entendre. Car il lui mandait qu’à la première ouverture qu’il avait faite à Dion sur ce sujet, Dion lui avait déclaré qu’il serait très-irrité contre Denys, s’il se permet-

  1. Dans la lettre septième.