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Platon qu’Archytas avait fait connaissance avec Denys et obtenu de lui l’hospitalité[1]. Archytas envoya donc Archédémus à Platon ; et Denys, de son côté, fit partir deux trirèmes, avec plusieurs de ses amis, chargés de prier instamment Platon de faire encore ce voyage. Il lui écrivit même de sa propre main, lui déclarant sans détour que, s’il ne se laissait persuader de venir en Sicile, Dion ne devait rien attendre de lui ; mais que, s’il se rendait à son désir, il n’y avait rien qu’il ne fît pour Dion.

Dion reçut aussi des lettres de sa femme et de sa sœur, qui le pressaient vivement d’engager Platon à se rendre auprès du tyran, et de ne pas donner de prétextes à Denys d’en user mal à son égard. C’est ainsi que Platon, comme il le dit lui-même[2], aborda pour la troisième fois aux ports de Sicile,

Pour affronter encore le passage de la terrible Charybde[3].


Son arrivée remplit Denys d’une grande joie, et la Sicile de grandes espérances. Les vœux ardents des citoyens et leurs efforts tendaient à ce que Platon l’emportât sur Philistus, et que la philosophie triomphât de la tyrannie. Les femmes du palais lui firent l’accueil le plus distingué ; et Denys lui donna une marque de confiance qu’il n’avait jusque-là accordée à personne, ce fut de le laisser approcher de sa personne sans le faire visiter. Aristippe le Cyrénéen[4] qui fut souvent témoin des présents considérables que Denys offrait à Platon, et des refus constants du philosophe, disait à ce propos. « Denys ne risque rien à se montrer généreux ; car il donne peu à ceux qui lui demandent

  1. Voyez la septième lettre de Platon.
  2. Dans la même lettre.
  3. Odyssée, x, 428.
  4. Disciple de Socrate, et fondateur de la secte cyrénaïque, dont la morale était beaucoup moins sévère que celle de l’Académie.