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nombre de ceux qui s’appliquaient à la géométrie ! Peu de jours après l’arrivée de Platon, on fit dans le palais un sacrifice solennel ; et, comme le héraut, selon l’usage, priait les dieux de conserver longtemps la tyrannie à l’abri de tout revers, Denys, qui était présent : « Ne cesseras-tu, lui dit-il, de faire des imprécations contre moi ? » Cette parole affligea vivement Philistus et son parti, pensant bien que le temps et l’habitude rendraient invincible le pouvoir de Platon sur l’esprit du jeune homme, puisqu’un commerce de si peu de jours avait suffi pour produire un tel changement.

Ce ne fut donc plus séparément ni en secret, mais tous ensemble et à découvert, qu’ils se mirent à calomnier Dion. « On ne peut plus douter, disaient-ils, qu’il ne se serve de l’éloquence de Platon pour charmer et pour ensorceler Denys, afin qu’il abdique volontairement l’empire : il veut s’en emparer lui-même, et le transporter aux fils d’Aristomaque, ses neveux. C’est chose bien douloureuse, disaient quelques autres, de voir que les Athéniens, qui sont venus autrefois en Sicile avec des forces considérables de terre et de mer, et qui ont tous péri avant d’avoir pu se rendre maîtres de Syracuse, parviennent aujourd’hui, par le moyen d’un seul sophiste, à détruire la tyrannie, en persuadant à Denys de se débarrasser des dix mille étrangers qui composent sa garde, de se dessaisir des quatre cents trirèmes qu’il tient dans ses ports, de congédier ses dix mille hommes de cheval ainsi que la plus grande partie de son infanterie, et cela, pour aller chercher dans l’Académie un prétendu souverain bien dont on fait un mystère, et mettre son bonheur dans la géométrie, en abandonnant à Dion et à ses neveux la félicité réelle de la puissance, de la richesse et des plaisirs. » Ces propos jetèrent d’abord dans l’âme de Denys de violents soupçons contre Dion ; des soupçons