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mort, ainsi que je viens de le dire, que l’envie des courtisans contre Dion le ramena dans sa patrie, parce qu’ils le crurent un instrument très-propre à leur dessein, et un des plus fermes appuis de la tyrannie. En effet, il ne fut pas plutôt arrivé, qu’il embrassa hautement le parti du tyran. Alors tous tes autres courtisans renouvelèrent leurs calomnies contre Dion, lui imputant d’avoir cherché, de concert avec Théodotès et Héraclide, les moyens de détruire la tyrannie. Il paraît, en effet, que Dion espérait que le séjour de Platon à Syracuse ferait perdre à la tyrannie ce qu’elle avait de despotique et d’arbitraire, et ferait de Denys un prince modéré, qui gouvernerait selon les règles de la justice. Que si le tyran résistait, et ne se laissait pas adoucir par les préceptes de la philosophie, Dion était résolu de renverser sa domination, et de remettre l’autorité entre les mains des Syracusains ; non qu’il approuvât la démocratie, mais il la croyait préférable à la tyrannie pour ceux qui ne pouvaient parvenir à établir une saine aristocratie.

Tel était l’état des affaires, quand Platon arriva en Sicile. On lui fit l’accueil le plus flatteur ; on lui prodigua les plus grands honneurs, des marques d’affection singulières. À la descente de sa trirème, il trouva un char du prince, magnifiquement orné, dans lequel il monta ; et Denys offrit un sacrifice aux dieux, comme pour l’événement le plus heureux qui pût arriver à son empire. La frugalité qui régna depuis lors dans les repas, la modestie qui parut à la cour, et la douceur que le tyran lui-même montra dans ses audiences et dans ses jugements, firent concevoir aux Syracusains de merveilleuses espérances d’un prompt changement. Les courtisans eux-mêmes se portaient avec une ardeur incroyable à l’étude des lettres et de la philosophie ; et le palais du tyran était semé partout, dit-on, de cette poussière sur laquelle les géomètres tracent leurs figures : tant était grand le