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Dion était frère d’Aristomaque, ce qui lui attira d’abord la considération de Denys ; mais, dans la suite, ayant donné des preuves de son grand sens, son propre mérite le fit aimer et rechercher du tyran. Outre les autres marques que Denys lui donna de sa confiance, il commanda à ses trésoriers de lui fournir tout l’argent que Dion demanderait, pourvu qu’ils vinssent le jour même lui dire ce qu’ils lui auraient compté.

Dion était naturellement fier, magnanime et courageux : qualités qui se fortifièrent encore en lui pendant un voyage que Platon fit en Sicile, par une fortune vraiment divine ; car on ne peut imputer ce voyage à aucune prudence humaine. Ce fut visiblement quelque dieu, qui, jetant de loin les premiers fondements de la liberté de Syracuse et de la ruine entière de la tyrannie, amena Platon d’Italie à Syracuse, et ménagea à Dion la faveur de l’entendre. Dion était fort jeune alors, mais plus propre à s’instruire et plus prompt à saisir les préceptes de la vertu qu’aucun de ceux qui eussent encore entendu les leçons de Platon : Platon lui-même lui rend ce témoignage[1] ; et ses actions le confirment pleinement. Car, bien qu’élevé dans le palais d’un tyran, formé à des mœurs basses et serviles, à une vie lâche et craintive, toujours entouré d’un faste insolent, nourri dans un luxe effréné, et rassasié de ces délices et de ces voluptés dans lesquelles on place le souverain bien, néanmoins il n’eut pas plutôt goûté les discours de Platon et les leçons d’une philosophie sublime, que son âme fut enflammée d’amour pour la vertu. La facilité avec laquelle Platon lui avait inspiré l’amour du bien, jointe à la simplicité naturelle à son âge, lui fit croire que les mêmes discours auraient le même pouvoir sur le cœur du tyran : il pressa si vivement Denys, et avec de

  1. Dans la septième de ses lettres qui nous ont été conservées.