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reprocher à Démétrius d’avoir laissé échapper les occasions de se signaler par de grands exploits, pour se livrer à la débauche et aux voluptés : il n’usait des plaisirs que pour remplir le vide de ses heures perdues ; et sa Lamia ne lui servait, comme celle de la Fable, qu’à l’amuser ou à l’endormir. Quand il faisait des préparatifs de guerre, sa pique n’était point entourée de lierre, ni son casque n’exhalait point l’odeur des parfums ; il ne sortait pas non plus de l’appartement des femmes, respirant la joie et tout brillant de volupté, pour aller aux combats ; mais, laissant là les chœurs de danse, et renonçant à tous les divertissements bachiques, il devenait, pour me servir de l’expression d’Euripide[1],

Un ministre du cruel dieu Mars.

Jamais ni les plaisirs ni la paresse ne lui attirèrent le moindre échec. Il n’en était pas de même d’Antoine ; car, comme les peintres nous représentent Omphale dépouillant Hercule de sa massue et de sa peau de lion, de même Cléopâtre le désarma souvent : par ses caresses séduisantes, elle lui fit abandonner plusieurs fois des expéditions nécessaires, et perdre les plus belles occasions d’acquérir de la gloire ; et cela pour venir s’amuser avec elle, et pour perdre un temps précieux sur les rivages de Canope et de Taphosiris. Enfin, nouveau Paris, il quittait le champ de bataille pour aller se jeter dans les bras de cette femme ; ou plutôt il surpassa encore la lâcheté de Paris, car Paris ne se réfugia dans le sein d’Hélène qu’après avoir été vaincu[2], tandis qu’Antoine, pour suivre Cléopâtre, prit honteusement la fuite, et abandonna une victoire certaine.

Démétrius eut à la fois plusieurs femmes qu’il avait

  1. Dans une de ses pièces qui n’existent plus.
  2. Voyez le troisième livre de l’Iliade.