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Ce fut Canidius lui-même qui apprit à Antoine la perte entière de son armée d’Actium. On l’informa aussi en même temps qu’Hérode, roi des Juifs, qui avait sous ses ordres quelques légions et quelques cohortes, avait embrassé le parti de César, et que tous les autres princes avaient agi de même, en un mot qu’aucun de ses alliés du dehors ne lui était resté fidèle. Peu troublé de ces nouvelles, et paraissant même charmé de renoncer aux espérances qu’il avait conçues, afin d’être déchargé aussi de toute espèce de soin, il quitta sa retraite maritime, qu’il appelait Timonium, et fut reçu dans le palais de Cléopâtre. Il n’y fut pas plutôt revenu, qu’il remplit Alexandrie de festins et de débauches, et qu’il recommença ses prodigalités. Il inscrivit parmi les jeunes gens le fils de Cléopâtre et de César, et donna la robe virile, qui était une longue robe sans bordure de pourpre, à Antyllus, l’aîné des fils qu’il avait eus de Fulvie. Pendant les jours que dura la cérémonie, ce ne fut dans toute la ville que jeux, banquets et divertissements. Ils supprimèrent la société qu’ils appelaient des Amimétobiens, et en créèrent une autre, sous le nom de Synapothanumènes[1], qui ne le cédait à la première, ni en mollesse, ni en luxe, ni en magnificence. Leurs amis entrèrent dans cette association, dont la première loi était de mourir ensemble ; et ils passaient les jours à faire bonne chère, et à se traiter tour à tour.

Cependant Cléopâtre faisait provision de tous les poisons qui ont le pouvoir de donner la mort ; et, pour les éprouver, elle en faisait l’essai sur des prisonniers condamnés au supplice. Mais, quand elle vit que ceux dont l’effet était prompt faisaient mourir dans des douleurs atroces, et que ceux au contraire qui étaient doux n’apportaient la mort que fort lentement, elle essaya de la

  1. C’est-à-dire qui doivent mourir ensemble.