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Grecs. « Nous ne doutons pas, disait Pythéas, qu’une maison où l’on porte du lait d’ânesse ne soit affligée de quelque maladie : c’est aussi la marque sûre qu’une ville est malade, quand on y voit entrer des ambassadeurs athéniens. » Mais Démosthène, rétorquant la comparaison : « De même, dit-il, qu’on ne porte du lait d’ânesse dans une maison que pour la guérir, de même les Athéniens n’entrent jamais dans une ville que pour y ramener la santé. »

Le peuple d’Athènes, charmé de cette heureuse repartie, rendit un décret pour le rappel de Démosthène ; et ce fut Démon le Péanien, cousin de Démosthène, qui dressa ce décret. Une trirème fut envoyée pour le prendre à Égine. Quand il monta du Pirée à la ville, tous les magistrats, tous les prêtres, suivis du peuple entier, allèrent au-devant de lui, et le reçurent avec de vives démonstrations de joie. Démétrius de Magnésie rapporte qu’en ce moment Démosthène leva les mains au ciel, et se félicita d’une journée si glorieuse, qui le ramenait dans sa patrie plus honorablement qu’Alcibiade, car c’était de leur plein gré, et non point en cédant à la force, qu’ils le recevaient au milieu d’eux.

Cependant l’amende à laquelle il avait été condamné subsistait toujours, et il n’était pas permis de lui en faire grâce : on éluda la loi par un subterfuge. C’était l’usage, dans le sacrifice qu’on faisait tous les ans à Jupiter Sauveur, de payer une somme d’argent à ceux qui préparent et ornent l’autel du dieu : on en chargea cette année-là Démosthène, et on lui compta les cinquante talents auxquels montait son amende.

Mais il ne jouit pas longtemps du plaisir de se revoir dans sa patrie ; car les affaires des Grecs furent bientôt après complètement ruinées : au mois Métagitnion[1], se

  1. Correspondant, pour la plus grande partie, au mois d’août.