Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une macédonienne. Et depuis lors Cléopâtre ne parut plus en public que revêtue de la robe consacrée à Isis, et donna ses audiences au peuple sous le nom de Nouvelle Isis.

César fit au Sénat le rapport de ce partage : par ce moyen, et en accusant souvent Antoine dans les assemblées du peuple, il le rendit l’objet de la haine universelle. Antoine, de son côté, envoya des gens à Rome pour accuser César. Ses principaux griefs étaient, premièrement, que César, ayant dépouillé le jeune Pompée de la Sicile, ne lui avait point donné sa part de la conquête ; secondement, qu’il avait gardé les vaisseaux qu’il lui avait empruntés à lui-même pour faire cette guerre ; troisièmement, qu’ayant chassé Lépidus de ses gouvernements, et l’ayant réduit à l’état de simple particulier, il avait retenu à son profit l’armée, les provinces et les revenus qui avaient été assignés à Lépidus ; quatrièmement enfin, qu’il avait distribué à ses soldats presque toute l’Italie, et n’en avait rien laissé à ceux d’Antoine. À cela César répondait, qu’il avait dépouillé Lépidus de ses gouvernements, parce qu’il abusait insolemment de son pouvoir ; que, quant aux provinces qu’il avait conquises, il les partagerait avec Antoine lorsque Antoine partagerait avec lui l’Arménie ; et que les soldats d’Antoine ne devaient point entrer dans le partage de l’Italie, puisqu’ils possédaient la Médie et le pays des Parthes, qu’ils avaient conquis à l’empire romain en combattant vaillamment avec leur général.

Antoine était en Arménie lorsqu’il apprit ce qui se passait à Rome : aussitôt il ordonne à Canidius de prendre seize légions, et de descendre vers la mer ; pour lui, avec Cléopâtre, il se rendit à Éphèse. Ce fut là qu’il vit arriver de tous côtés sa flotte, laquelle, y compris les vaisseaux de charge, était forte de huit cents voiles : Cléopâtre en avait fourni deux cents, outre vingt mille