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qu’Alexandre ne demandât compte des richesses que les orateurs avaient pillées, on en fit une recherche sévère, et l’on alla fouiller dans leurs maisons, excepté dans celle de Calliclès, fils d’Arrhénidas. Ce fut la seule qu’on respecta, dit Théopompe, parce qu’il venait de se marier, et que la nouvelle épouse y était. Démosthène suivit l’impulsion, et proposa lui-même un décret qui chargeait l’Aréopage d’informer sur cette affaire, et de punir ceux qu’il reconnaîtrait coupables de s’être laissé corrompre. Il comparut devant le tribunal ; mais il fut un des premiers contre lesquels le Sénat porta la sentence : il fut condamné à une amende de cinquante talents[1]. La sentence le constituait prisonnier jusqu’à ce qu’il eut payé la somme.

La honte de cette flétrissure, et la faiblesse de son tempérament, qui ne lui permettait pas de supporter la prison, furent, dit-on, les motifs qui le déterminèrent à s’enfuir : il trompa une partie de ses gardes ; et les autres facilitèrent son évasion. On conte que, comme il n’était pas encore loin de la ville, il aperçut quelques-uns de ses ennemis qui couraient après lui : il chercha d’abord à se cacher ; mais ils l’appelèrent par son nom, et, l’ayant bientôt joint, ils le prièrent d’accepter d’eux quelque argent pour faire son voyage, qu’ils lui apportaient tout exprès, l’assurant que c’était le seul motif qu’ils eussent eu de le suivre ; ils l’exhortèrent à prendre courage, et à supporter son infortune sans trop d’impatience. Démosthène alors redoubla ses plaintes et ses gémissements : « Et comment, leur dit-il, se résigner, sans de vifs regrets, à quitter une ville où l’on a des ennemis si généreux, qu’on trouverait à peine ailleurs de pareils amis ? »

Il donna de grandes marques de faiblesse pendant son

  1. Environ trois cent mille francs de notre monnaie.