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des Nabatéens, qui touche à la mer extérieure[1]. Ces dons affligèrent fort les Romains ; ce qui ne l’empêcha pas néanmoins de distribuer à de simples particuliers des tétrarchies et de vastes royaumes. Il dépouilla aussi plusieurs rois de leurs États, entre autres Antigonus, le Juif[2], qu’il fit même décapiter publiquement, supplice dont jusque-là aucun roi n’avait encore été puni. Mais, ce qui paraissait aux Romains le plus honteux et le plus humiliant, c’étaient les honneurs excessifs dont il comblait Cléopâtre ; et ce qui en augmenta encore l’infamie, c’est qu’ayant eu d’elle deux enfants jumeaux, un fils, nommé Alexandre, et une fille, appelée Cléopâtre, il les fit élever, et les surnomma, l’un, le Soleil, l’autre, la Lune. Et, comrne il était l’homme le plus propre à tirer vanité des choses même les plus honteuses, il disait que la grandeur de l’empire romain ne paraissait pas tant dans ses conquêtes que dans les présents qu’il faisait ; que la noblesse s’était propagée par les successions et la postérité de plusieurs rois ; et que c’était ainsi que le premier auteur de sa race était descendu d’Hercule. « Hercule, disait-il, ne voulut pas borner sa postérité à la fécondité d’une seule femme : il n’avait pas à craindre des lois soloniennes ni des sentences de tribunaux contre ceux qui enfreignent les prescriptions relatives au mariage : aussi donna-t-il à la nature les tiges de plusieurs races, en laissant des enfants en divers lieux. »

Après que Phraate eut tué son père Orodès, et se fut emparé du royaume, plusieurs grands de sa cour l’abandonnèrent, entre autres Monésès, un des plus illustres et des plus puissants des Parthes, qui se réfugia auprès

  1. L’Océan.
  2. Antigonus n’était pas roi, mais il exerçait l’autorité royale sous le nom de grand prêtre : il avait dépossédé de cette charge Hyrcan, et s’était substitué à sa place, l’an 40 avant J.-C.