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six rangs de rames ; « car, ajouta-t-il, c’est la seule maison paternelle qu’on ait laissée à Pompée. » C’était un reproche indirect à l’adresse d’Antoine, lequel occupait à Rome la maison du grand Pompée, son père. Ayant donc fait affermir sa galère sur ses ancres, et jeté un pont du promontoire de Misène à son bord, il les reçut avec toute sorte de prévenances. Quand on fut au milieu du festin, comme les convives, échauffés par le vin, lançaient mille brocards sur Antoine et sur Cléopâtre, le pirate Ménas s’approcha de Pompée, et lui dit, de manière à n’être entendu que de lui : « Veux-tu que je coupe les câbles des ancres, et que je te rende maître, non-seulement de la Sicile et de la Sardaigne, mais de tout l’empire Romain ? » Pompée, qui l’entendit fort bien, réfléchit un moment en lui-même, puis il répondit : « Ménas, il fallait faire la chose sans m’en prévenir ; maintenant, contentons-nous de notre fortune présente : je ne dois point violer la foi que j’ai jurée. » Et, après avoir été traité à son tour par César et par Antoine, il mit à la voile, et retourna en Sicile.

Dès que le traité eut été conclu entre César et Antoine, Antoine fit prendre les devants à Ventidius, qu’il envoya en Asie pour arrêter les progrès des Parthes ; et lui-même, pour complaire à César, il consentit à être élu prêtre du premier César[1]. Depuis lors, ils traitèrent en commun et amicalement les affaires politiques les plus importantes ; mais, dans les divers combats auxquels donnaient lieu les jeux à quoi ils passaient le temps ensemble, Antoine avait toujours le chagrin de se voir vaincu par César. Il avait auprès de lui un devin d’Égypte, de ceux qui tirent l’horoscope d’après l’époque de la naissance. Cet homme, soit qu’il voulût plaire à Cléopâtre, soit qu’il parlât à Antoine avec sincérité, lui disait que sa fortune,

  1. On avait décerné à César les honneurs divins.