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bien au-dessus de ses forces. Comme le jeune homme ne se paya pas de ces raisons, et persista à lui redemander l’argent qu’il avait entre les mains, Antoine commença, dès ce moment, à dire et à faire contre lui tout ce qu’il crut capable de le mortifier : il s’opposa à lui lorsqu’il brigua le tribunat ; et, quand Octave voulut faire placer dans le théâtre le siège doré que le peuple avait accordé à César, Antoine le menaça de le faire traîner en prison, s’il ne cessait de soulever la multitude. Mais, après que le jeune César se fut entièrement abandonné à Cicéron et à ceux qui haïssaient Antoine[1] ; après que, par leur moyen, il se fut insinué dans les bonnes grâces du Sénat, et que, de son côté, il eut gagné la faveur du peuple et rassemblé les vieux soldats qui étaient dispersés dans les colonies, alors Antoine commença à le craindre : il eut avec lui une entrevue au Capitole, et leurs amis ménagèrent un accommodement.

La nuit suivante, Antoine eut un songe assez étrange : il lui sembla que la foudre était tombée sur lui, et l’avait blessé à la main droite. Peu de jours après, on vint l’avertir que César lui dressait des embûches. Le jeune homme s’en défendait ; mais il n’était cru de personne. Alors leur haine se raviva : ils coururent l’un et l’autre l’Italie pour solliciter, par de grandes promesses, les vétérans établis dans les colonies, et s’efforcèrent de se prévenir mutuellement, pour attirer chacun à son parti les légions qui étaient encore en armes. Cicéron, qui avait alors la plus grande autorité dans Rome, excita tellement les esprits contre Antoine, qu’il finit par persuader au Sénat d’envoyer à César les faisceaux et autres insignes de la dignité prétoriale, et de donner des troupes à Hirtius et à Pansa, les deux consuls de cette année,

  1. Sur les rapports de Cicéron et d’Octave, voyez la Vie de Cicéron dans ce volume.