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Abandonnés par les Athéniens, les Thébains furent réduits à se défendre seuls ; et leur ville périt[1]. Les Athéniens, dans le trouble extrême dont ils furent saisis, prirent le parti de députer vers Alexandre : Démosthène fut choisi pour l’ambassade avec quelques autres ; mais, redoutant la colère du roi, il revint sur ses pas quand il fut au Cithéron, et abandonna l’ambassade.

Alexandre envoie aussitôt demander qu’on lui livre dix orateurs, à ce que rapportent Idoménée et Duris ; mais la plupart des historiens, et les plus dignes de foi, n’en mettent que huit, Démosthène, Polyeucte, Éphialte, Lycurgue, Mœroclès, Damon, Callisthène et Charidémus. Ce fut alors que Démosthène conta aux Athéniens l’apologue des brebis qui livrèrent leurs chiens aux loups, se comparant, lui et ses compagnons, à des chiens qui combattaient pour le peuple, et traitant Alexandre le Macédonien de loup dévorant. « Nous voyons les marchands, leur dit-il encore, aller portant çà et là dans une écuelle une montre de leur blé, et vendre, au moyen de quelques grains, tout ce qu’ils en ont chez eux : de même en nous livrant vous vous livrez vous-mêmes, sans vous en douter. » Tel est le récit d’Aristobule de Cassandrie[2].

Les Athéniens délibéraient sur la demande d’Alexandre, et ne savaient quel parti prendre, lorsque Démade se chargea, pour cinq talents[3] que lui donnèrent les autres orateurs, d’aller seul en ambassade, et de solliciter leur grâce auprès du roi, soit qu’il comptât sur l’amitié d’Alexandre, soit qu’il espérât le trouver rassasié de vengeance, comme un lion dont la faim s’est assouvie dans le carnage. Démade réussit en effet à l’apaiser, ob-

  1. Voyez la Vie d’Alexandre dans le troisième volume.
  2. Le compagnon et l’historien d’Alexandre.
  3. Environ trente mille francs de notre monnaie.