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du Sénat qui ordonnait de prendre les armes contre Dolabella, alla l’attaquer dans la place : il lui tua beaucoup de monde, et perdit lui-même quelques-uns des siens.

Cette action le rendit odieux à la multitude ; et il encourut le mépris et la malveillance des gens sages et honnêtes par le reste de sa conduite : on détestait ses débauches de table à des heures indues, ses dépenses excessives, ses dissolutions en des lieux infâmes, son sommeil en plein jour, ses promenades en état d’ivresse, ses repas prolongés fort avant dans la nuit, les comédies et les festins qu’il donnait pour célébrer les noces de farceurs et de bouffons. On conte, à ce propos, qu’à la noce du mime Hippias il passa la nuit entière à boire, et que, le lendemain, ayant convoqué l’assemblée du peuple, il s’y rendit si gorgé de viandes et de vin, qu’il fut contraint de vomir devant tout le monde, et qu’un de ses amis tendit sa robe devant lui. Sergius, un autre mime, avait sur lui le plus grand crédit ; et la courtisane Cythéris, sortie de la même école, qui lui avait inspiré une passion violente, l’accompagnait dans toutes les villes où il allait, portée dans une litière qu’escortait une suite aussi nombreuse que celle de la propre mère d’Antoine. On ne pouvait voir sans indignation la quantité de vaisselle d’or et d’argent qu’il faisait porter dans ses voyages, lesquels ressemblaient assez à des pompes triomphales ; que souvent il s’arrêtât au milieu des chemins et fit dresser ses tentes sur le bord de quelque rivière ou dans quelque bois épais, où on lui servait des dîners somptueux ; qu’il fit atteler des lions à ses chars ; et que, dans les villes où il passait, on choisît les maisons des hommes les plus honnêtes et des femmes les plus vertueuses pour y loger de viles courtisanes et des ménétrières. Mais on s’indignait bien davantage encore de voir que, pendant que César passait les nuits dans un camp, hors de l’Italie, et supportait tant de fatigues et de dangers pour éteindre