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toute l’affaire ayant été réduite à cette double question : Pompée congédiera-t-il les légions qu’il commande ? César licenciera-t-il celles qui sont sous ses ordres ? un très-petit nombre de sénateurs furent d’avis que Pompée quittât le commandement, tandis que la plupart opinèrent pour que César s’en dépouillât. Antoine, se levant alors, demanda si l’on ne jugerait pas plus convenable que César et Pompée posassent tous deux les armes, et se démissent ensemble du commandement[1].

Cet avis fut généralement adopté ; et tous les sénateurs, après avoir à l’envi comblé Antoine de louanges, demandèrent que le décret fût dressé. Mais, les consuls s’y étant opposés, les amis de César firent en son nom de nouvelles propositions. Caton les combattit avec force ; et Lentulus, l’un des consuls, chassa Antoine du Sénat. Celui-ci sortit en chargeant les sénateurs d’imprécations ; puis, prenant le vêtement d’un esclave, il se rendit avec Quintus Cassius au camp de César, dans une voiture de louage. D’aussi loin qu’ils purent être vus des soldats, ils se prirent à crier qu’il n’y avait plus aucun ordre dans Rome ; que les tribuns eux-mêmes n’avaient plus la liberté de parler ; qu’on les chassait du Sénat, et que quiconque osait se déclarer pour la justice était en grand danger de sa personne.

Aussitôt César se met en marche, et entre en Italie avec son armée ; ce qui fit dire à Cicéron, dans ses Philippiques[2], que, comme Hélène fut cause de la guerre de Troie, de même Antoine avait allumé la guerre civile ; mais c’est une fausseté manifeste ; car Caïus César n’était point assez emporté, ni ne se laissait point assez facilement entraîner par la colère hors de la

  1. Voyez la Vie de César et celle de Pompée dans le troisième volume.
  2. Dans la seconde, celle qu’Antoine lui fît payer de sa vie.