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nous ne les voyons pas pleurer ou rire sur le théâtre d’après leurs affections particulières, mais suivant que l’exigent les situations des personnages qu’ils représentent. D’ailleurs, s’il ne faut pas abandonner à lui-même l’homme qui vient d’éprouver un malheur, et lui refuser les consolations qui peuvent alléger ses peines ; si l’on doit tâcher d’alléger ses chagrins par des discours, et de porter sa pensée sur des objets agréables, comme on en use avec ceux qui ont mal aux yeux, en leur ordonnant de détourner leur vue des couleurs vives et éclatantes, pour la fixer sur les couleurs vertes et douces, quelle consolation plus puissante peut-on offrir à un homme affligé, que le bonheur de sa patrie, que le concours de la félicité publique avec son infortune personnelle, concours où les sentiments agréables amortissent les sentiments pénibles ? J’ai été amené à faire ces réflexions, parce que j’ai vu bien des personnes se laisser aller à la compassion, touchées, ou plutôt amollies par les déclamations que fait Eschine à ce propos.

Les villes formèrent, à l’instigation de Démosthène, une nouvelle ligue ; et les Thébains, à qui Démosthène avait fourni des armes, attaquèrent la garnison qui occupait leur ville, et tuèrent une grande partie des soldats. Les Athéniens se préparèrent à soutenir avec eux la guerre ; et Démosthène, qui ne quittait pas la tribune, écrivit en Asie aux généraux du roi de Perse, pour les engager à déclarer la guerre à Alexandre, qu’il appelait un enfant et un Margitès[1] ; mais, après qu’Alexandre eut mis ordre aux affaires de son pays, et fut entré dans la Béotie à la tête d’une armée, les Athéniens rabattirent beaucoup de leur fierté, et la véhémence de Démosthène s’éteignit.

  1. Personnage ridicule qui était le héros d’un poème satirique attribué par les uns à Homère, par les autres à Pigrès, et dont le nom était devenu synonyme d’indolent et de stupide.