Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.


ANTOINE.


(De l’an 86 ou 83 à l’an 30 avant J.-C)

Antoine eut pour aïeul l’orateur Antonius, que Marius fit mourir pour avoir embrassé le parti de Sylla[1] ; et il avait pour père Antonius, surnommé le Crétique[2], personnage qui n’eut pas dans le gouvernement une réputation éclatante, mais qui fut d’ailleurs l’homme le plus juste, le plus honnête et le plus libéral. Le trait suivant en est la preuve. Comme sa fortune était médiocre, sa femme l’empêchait de suivre son penchant à la libéralité. Un jour donc un de ses amis vint le prier de lui prêter quelque argent : Antonius, qui n’en avait pas alors, ordonne à un de ses esclaves de lui apporter de l’eau dans un bassin d’argent. Quand on lui eut apporté le bassin, il le prend et se mouille la barbe, comme pour se raser ; puis, renvoyant l’esclave sous quelque prétexte, il donne le bassin à son ami, en lui disant de s’en aider. Peu de jours après, comme les esclaves cherchaient le vase par toute la maison, et qu’Antonius vit sa femme fort en colère et sur le point de faire appliquer l’un après l’autre ses serviteurs à la question, il lui avoua ce qu’il avait fait, et la pria de le lui pardonner. Cette femme était Ju-

  1. Voyez la Vie de Marius dans le deuxième volume.
  2. Le père d’Antoine fut tué en Crète l’an 75 avant J.-C. Il avait commencé la conquête de cette île, qui fut achevée par Quintus Métellus : c’est là ce qui lui valut le surnom de Crétique.