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Le lendemain, à la pointe du jour, Séleucus lui présenta la bataille. Démétrius envoie un de ses capitaines pour commander une des ailes de son armée ; il se met lui-même à la tête de l’autre, charge les ennemis, et les met en fuite. Alors Séleucus descend de cheval, quitte son casque, et va, sans autre arme que son bouclier, se présenter aux soldats mercenaires de Démétrius : il les exhorte à passer de son côté, les assurant que ce n’est que pour les épargner, et non pour épargner Démétrius, qu’il a différé si longtemps le combat. À l’instant toutes ces troupes le saluent, le proclament roi, et se rangent sous ses étendards. Démétrius, bien qu’il sentît que ce dernier revers était plus terrible que les précédents, voulut tenter encore de s’en relever : il s’enfuit à travers les portes Amaniques[1] ; et, suivi d’un petit nombre d’amis et d’officiers, il gagna un bois épais, où il passa la nuit, dans le dessein de prendre le lendemain, s’il lui était possible, le chemin de Caunus[2] et de descendre au bord de la mer, où il espérait trouver sa flotte. Mais, comme il eut appris qu’il n’avait pas de vivres pour ce jour-là même, il dut songer à d’autres moyens. Dans ce moment arrive Sosigène, un de ses amis, qui avait dans sa ceinture quatre cents pièces d’or. Alors, espérant pouvoir, avec ce secours, se rendre jusqu’à la mer, ils s’acheminent, à la faveur de la nuit, vers les passages des montagnes. Mais, voyant que les ennemis y avaient allumé des feux, ils perdirent toute espérance de pouvoir tenir ce chemin, et revinrent au lieu d’où ils étaient partis, non pas tous, car plusieurs avaient pris la fuite ; et ceux qui étaient restés avec Démétrius n’avaient plus le même courage. Là, quelqu’un ayant osé dire qu’il fallait se rendre à Séleucus, Démétrius tira son épée, et

  1. Le passage du mont Amanus, au nord de la Cilicie.
  2. Dans la Carie.