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de donner à Démétrius un entretien digne de son rang, et de fournir à ses troupes toutes les provisions nécessaires. Mais Patrocle, homme d’un grand sens, et qui passait pour un des plus fidèles amis de Séleucus, survint et dit : « La dépense que tu feras pour l’armée de Démétrius est chose peu importante ; mais il est contraire à tes intérêts de laisser séjourner dans tes États Démétrius, lequel, de tout temps, a été le plus violent et le plus entreprenant des rois, et qui se trouve maintenant dans cet état d’infortune qui rend souvent audacieux et injustes les caractères même les plus modérés. » Séleucus, frappé de ces représentations, se mit aussitôt en marche vers la Cilicie avec une puissante armée. Démétrius, étonné d’un changement si subit, se retire dans les lieux les plus forts du mont Taurus ; puis il envoie des députés à Seleucus, pour le conjurer de permettre qu’il fît la conquête de quelques nations barbares qui vivaient dans l’indépendance, afin qu’il pût, après tant de courses et tant de fuites, y vivre en paix le reste de ses jours ; ou, s’il ne voulait pas lui accorder cette grâce, de nourrir au moins son armée pendant l’hiver dans le lieu même où elle était, et de ne pas le chasser ainsi nu et manquant de tout, pour être à la merci de ses ennemis. Séleucus, à qui toutes ces prières étaient suspectes, lui permit seulement d’hiverner, s’il voulait, pendant deux mois dans la Cataonie[1] à condition qu’il donnerait pour otages les principaux de ses amis ; en même temps il fit fermer de murailles tous les passages des montagnes qui conduisaient en Syrie. Démétrius, enfermé de toutes parts comme une bête fauve dans une enceinte, se vit obligé de recourir à la force. Il courut le pays et le pilla : et, dans toutes les rencontres où il fut attaqué par Séleucus, il eut l’avantage. Un jour même que Séleucus

  1. Province de la Cappadoce.