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que fait Ménélas de sa fortune dans Sophocle[1], quand il dit :

Mais mon destin sur la rapide roue de la Fortune
Incessamment tourne, et se transforme à tout moment ;
Ainsi la face de la lune jamais deux nuits entières
Ne saurait persister avec le même aspect :
On ne la voyait pas, mais tout à coup elle commence à se montrer,
Puis son visage se colore d’un plus vif éclat, et s’arrondit de jour en jour ;
Et, quand elle a brillé dans toute sa splendeur,
Elle se remet à décroître, et, à la fin, elle disparaît ;

ce tableau, dis-je, est une peinture exacte des vicissitudes qu’avait éprouvées Démétrius, de ses accroissements et de ses diminutions, de ses élévations et de ses chutes ; car, en ce temps-là même, sa puissance, qui paraissait entièrement éclipsée et presque éteinte, jeta une nouvelle lueur. Il se rassembla autour de sa personne quelques gens de guerre, qui firent renaître en lui une certaine espérance. Ce fut alors qu’il parut, pour la première fois, dans les villes, vêtu comme un simple particulier, et dépouillé de ce faste qui environne ordinairement les rois. Quelqu’un l’ayant vu en cet état à Thèbes lui appliqua assez heureusement ces vers d’Euripide[2] :

Il a quitté la figure divine pour prendre une figure mortelle ;
Il vient près des sources de Dircé et des rives de l’Isménus.

Mais, dès que ses espérances l’eurent remis, pour ainsi dire, sur le chemin de la royauté, et qu’entouré d’un assez grand nombre de troupes il se vit avec une apparence d’empire, il rendit aux Thébains leur ancien gouvernement.

  1. Dans une des tragédies de ce poëte qui n’existent plus.
  2. Dans les Bacchantes, vers 4.