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préférence entre ceux de Pyrrhus, commencèrent à déserter, d’abord secrètement et en petit nombre, puis ouvertement et en foule ; enfin ce fut une agitation et un soulèvement général dans tout le camp. Il y en eut même qui furent assez audacieux pour dire à Démétrius qu’il devait se retirer promptement, s’il voulait pourvoir à sa sûreté, parce que les Macédoniens étaient las de faire la guerre pour fournir à son luxe et à ses prodigalités. Et ces discours paraissaient encore très-modérés à Démétrius, auprès des paroles outrageantes que d’autres faisaient entendre. Il rentre donc dans sa tente, non comme un véritable roi, mais comme un roi de théâtre qui va dépouiller ses vêtements pour en prendre d’autres ; il quitte son riche manteau, en revêt un de couleur sombre, et sort du camp sans être aperçu. Dès que le bruit de sa fuite se fut répandu, la plupart des Macédoniens coururent à sa tente pour la piller : ils se disputent le butin avec acharnement, et mettent la tente en pièces. Mais Pyrrhus survint tout à coup, fit cesser le désordre, et se rendit maître du camp. Il partagea ensuite avec Lysimachus toute la Macédoine, dont Démétrius avait été pendant sept ans paisible possesseur.

Après ce nouveau revers, Démétrius se retira à Cassandrie[1], où était sa femme Phila, laquelle ne put résister à la douleur de voir encore une fois réduit à une condition privée et à l’exil le plus malheureux des rois. Elle renonça donc à toute espérance ; et, détestant la fortune de son mari toujours plus constante dans le malheur que dans la prospérité, elle prit du poison et se donna la mort. Mais Démétrius, qui songeait encore à rassembler les débris de son naufrage, repassa en Grèce ; et là, il manda auprès de lui tous ses amis. Le tableau

  1. Auparavant Potidée, dans la haute Macédoine, sur les confins de la Thrace.