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qui bon lui semblerait. Pyrrhus entra facilement dans leurs vues ; et Démétrius, qui différait encore, se trouva tout à coup enveloppé dans une guerre terrible. Ptolémée descendit en Grèce avec une flotte nombreuse, et fit révolter le pays contre Démétrius. Lysimachus entra en Macédoine par la Thrace ; Pyrrhus s’y jeta du côté de l’Épire, qui en était limitrophe ; et tous deux firent dans le pays un dégât affreux. Démétrius laisse son fils en Grèce, et vole au secours de la Macédoine. Il marche d’abord contre Lysimachus ; mais il apprend dans sa route que Pyrrhus s’est emparé de Berrhoé[1]. Le bruit de cette nouvelle, promptement répandu parmi les Macédoniens, porta le désordre dans tout son camp : ce ne fut plus que pleurs, que lamentations ; de tous côtés la colère éclatait contre Démétrius, et l’on s’emportait jusqu’à lui dire des injures : personne ne voulait plus rester ; tous songeaient à se retirer, sous prétexte d’aller vaquer à leurs affaires, mais, dans la réalité, pour se joindre à Lysimachus.

Démétrius jugea donc à propos de s’éloigner le plus qu’il pourrait de Lysimachus, qui était de la même nation que ses soldats et connu de la plupart pour avoir fait la guerre sous Alexandre, et de tourner ses armes contre Pyrrhus, qui était étranger, et que les Macédoniens, pensait-il, ne lui préféreraient jamais. Mais il se trompa dans ses conjectures : à peine il eut établi son camp devant celui de Pyrrhus, que les Macédoniens, qui admiraient depuis longtemps la valeur bouillante que Pyrrhus déployait dans les combats ; qui, de toute ancienneté, étaient accoutumés à regarder le plus courageux comme le plus digne d’être roi ; qui d’ailleurs apprenaient chaque jour avec quelle douceur Pyrrhus traitait les prisonniers ; qui tous enfin ne cherchaient qu’à quitter Démétrius, pour se jeter entre les bras d’un chef quelconque, mais de

  1. C’était une ville de Macédoine.