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qu’il fallait faire, et mettant lui-même la main à l’œuvre. Tout le monde était dans l’étonnement et du nombre et de la grandeur de ces vaisseaux ; car jusque-là nul homme n’avait vu de galère à quinze et seize bancs de rames. Ce ne fut que longtemps après que Ptolémée Philopator en fit construire une à quarante bancs de rames[1], laquelle avait deux cent quatre-vingts coudées de longueur, et quarante-huit de hauteur jusqu’au sommet de la poupe : il l’équipa de quatre cents matelots, sans compter les rameurs, qui étaient au nombre de quatre mille, et la monta de trois mille combattants, départis entre les rameurs et sur le pont. Mais cette galère ne fut jamais qu’un objet de curiosité : peu différente des édifices solides, elle ne servit que pour l’ostentation, et fut inutile pour le combat, tant il était difficile et même dangereux de la mouvoir. Il n’en était pas de même de celles de Démétrius : leur beauté ne les rendait pas plus mal propres au combat ; leur magnificence n’ôtait rien de leur utilité ; et l’agilité, la légèreté de leurs mouvements étaient plus admirables encore que leur grandeur.

Un armement si formidable, et tel que jamais roi depuis Alexandre n’en avait assemblé, étant destiné contre l’Asie, les rois Séleucus, Ptolémée et Lysimachus se liguèrent contre Démétrius ; puis, ils envoyèrent des ambassadeurs à Pyrrhus, pour le presser d’entrer en Macédoine, et pour lui représenter qu’il ne devait pas regarder comme un traité celui qu’il avait fait avec Démétrius, puisque Démétrius, sans s’être engagé à ne pas l’attaquer, s’était réservé à lui-même le pouvoir d’attaquer

  1. On taxe ceci d’exagération ; mais nous ignorons quelle était la construction de ces navires. Il est bien clair que les bancs de rames n’étaient pas étagés plus de quatre ou cinq l’un au-dessus de l’autre ; mais il y avait bien d’autres manières de les disposer. Du reste, pour tout ce qui dépasse cinq ou six rangs, je me sers du mot bancs, laissant au lecteur la liberté de disposer ces bancs à sa fantaisie.