Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/264

Cette page a été validée par deux contributeurs.

contre son espérance, et d’éprouver que l’affection qu’ils lui avaient témoignée n’était que fausse et simulée, c’était pour lui une amère douleur. Preuve évidente que la marque la moins sûre de l’attachement des peuples pour les rois, ce sont les honneurs excessifs qu’ils leur décernent ; car ces honneurs n’ont de prix que dans la volonté de ceux qui les rendent ; et la crainte dont ils sont souvent prévenus doit rendre leurs hommages fort suspects, attendu que la crainte aussi bien que l’amour peut inspirer ces résolutions. Aussi, les princes qui ont du sens ne s’arrêtent-ils ni aux statues, ni aux portraits, ni aux apothéoses dont on les honore ; mais ils regardent à leurs propres actions ; et, d’après le témoignage qu’elles leur rendent, ils jugent si ces honneurs sont dictés par une affection sincère ou arrachés par la contrainte ; car il arrive souvent que les rois à qui l’on défère ces honneurs outrés, qu’ils savent bien ne devoir qu’à la force, sont ceux que haïssent le plus les peuples.

Démétrius, indigné de la conduite des Athéniens, mais qui se voyait hors d’état de s’en venger, se contenta de leur envoyer faire des plaintes modérées, et redemander ses vaisseaux, parmi lesquels était la galère à treize bancs de rames. Après les avoir reçus, il fit voile vers l’isthme. Là, il trouva ses affaires en très-mauvais point : toutes ses garnisons avaient été chassées des villes qu’elles occupaient, ou avaient passé à l’ennemi. Laissant donc Pyrrhus en Grèce, il alla faire une descente dans la Chersonèse, où il ravagea les États de Lysimachus : il enrichit ses troupes du butin qu’il y fit, et retint par ce moyen auprès de lui une armée capable de le faire craindre et respecter. Lysimachus ne reçut aucun secours des autres rois, parce qu’il leur paraissait encore moins juste que Démétrius, et plus redoutable que lui à cause de sa puissance. Peu de temps après, Séleucus députa vers Démétrius, pour lui demander en mariage sa fille Stratonice,