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ligués contre Antigonus, et ayant réuni toutes leurs forces, Démétrius, sur cette nouvelle, quitta la Grèce, et alla joindre son père. Il lui trouva, pour cette guerre, une ardeur bien au-dessus de son âge ; et la sienne en reçut un nouvel essor. Toutefois, il me semble que, si Antigonus eût voulu se relâcher tant soit peu de ses prétentions, et ne pas affecter une sorte de supériorité sur les autres princes, il aurait conservé pour lui-même pendant sa vie, et laissé à son fils après sa mort, la prééminence sur tous les rois ; mais, naturellement fier et présomptueux, et aussi dur dans ses paroles que dans sa conduite, il aigrit, il irrita contre lui des rois dont la jeunesse, le nombre et la puissance n’étaient pas à dédaigner. Il ne craignait pas de dire qu’il disperserait cette ligue et cette association de rois aussi facilement que l’on écarte et dissipe avec une pierre ou le moindre bruit une volée d’oiseaux qui se sont abattus dans un champ pour y chercher leur pâture. Il avait sous ses ordres plus de soixante-dix mille hommes de pied, dix mille chevaux, et soixante-quinze éléphants. L’armée des alliés était de soixante quatre mille hommes d’infanterie, dix mille cinq cents chevaux, quatre cents éléphants, et cent vingt chars de guerre.

Quand les deux armées furent en présence, on aperçut dans Antigonus un changement qui semblait porter plus sur ses espérances que sur ses résolutions. Toujours fier et plein d’audace dans les combats, ayant la parole haute, tenant des discours arrogants, et souvent même disant des mots plaisants et railleurs, qui témoignaient de sa présomption et de son mépris pour l’ennemi, on le voyait alors pensif et taciturne : il présentait son fils aux troupes, et le leur recommandait comme son successeur. Mais, ce qui étonna bien davantage encore, ce fut de voir qu’il s’entretenait seul avec Démétrius dans sa tente ; car il n’avait pas l’habitude de communiquer ses secrets même à son fils : il délibérait en lui-même, puis il or-