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argent fut ramassé, Démétrius le fit porter à Lamia et à ses autres courtisanes, afin qu’elles en achetassent du savon pour leur toilette. La honte d’un pareil emploi fut plus sensible aux Athéniens que la perte de l’argent ; et le mot les offensa plus que la chose même. Toutefois, quelques-uns prétendent que ce ne fut point aux Athéniens, mais aux Thessaliens, que Démétrius fit cet affront. Ce ne fut pas tout encore : Lamia, voulant donner en particulier un festin à Démétrius, mit à contribution un grand nombre de personnes ; et ce repas fut si renommé par son extrême magnificence, que Lyncée de Samos[1] en a laissé une description détaillée. Aussi un poëte comique de ce temps-là dit-il, avec non moins de finesse que de vérité, que Lamia était une hélépole[2]. Démocharès de Soli appelait Démétrius Mythos, parce qu’il avait toujours avec lui sa Lamia[3]. Le grand crédit de cette courtisane, et la passion avec laquelle Démétrius l’aimait, excitaient contre elle la jalousie et la haine, non-seulement des femmes légitimes de Démétrius, mais encore de ses amis. Il avait envoyé des ambassadeurs à Lysimachus. Un jour Lysimachus, conversant avec eux dans un moment de loisir, leur montra sur ses bras et sur ses cuisses les cicatrices profondes des griffes d’un lion, et leur raconta comment Alexandre l’avait forcé de combattre contre cet animal, enfermé avec lui dans une arène. À ce récit, les ambassadeurs se prirent à rire, et dirent à Lysimachus : « Démétrius porte au cou

  1. Grammairien disciple de Théophraste.
  2. La machine de siège dont il a été question plus haut.
  3. Mythos veut dire conte ou fable ; et l’on épouvantait les enfants du récit des exploits d’une Lamia, qui avait été, suivant la tradition, quelque chose comme les ogresses des contes de fées :

    Neu pransæ Lamiæ vivum puerum extrahat alvo,

    dit Horace.