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solennité, il donna des jeux, dans lesquels il présida lui-même l’assemblée des Grecs. Il épousa, pendant la fête, Déidamie, fille d’Éacide, roi des Molosses, et sœur de Pyrrhus. Il persuada aux Sicyoniens d’abandonner leur ville, et d’en bâtir une autre dans le lieu où ils habitent maintenant : en changeant la situation de la ville, il en changea aussi le nom : il l’appela Démétriade.

Les États de la Grèce, assemblés dans le Péloponnèse avec un concours extraordinaire de tous les peuples, proclamèrent Démétrius chef de tous les Grecs, comme l’avaient été avant lui Philippe et Alexandre, à qui du reste Démétrius se croyait fort supérieur, enflé qu’il était de sa fortune et de sa puissance. Alexandre n’avait jamais dépouillé personne du titre de roi ; jamais non plus il n’avait pris pour lui-même celui de roi des rois ; mais Démétrius se moquait ouvertement de ceux qui donnaient à d’autres qu’à son père et à lui le nom de roi, et il aimait à voir ses flatteurs faire, à sa table, des libations à Démétrius, roi ; à Séleucus, capitaine des éléphants ; à Ptolémée, amiral ; à Lysimachus, gardien du trésor ; à Agathoclès le Sicilien, gouverneur des îles. Les autres rois ne faisaient que rire de ces plaisanteries ; mais Lysimachus était vivement piqué de ce que Démétrius le mettait au rang des eunuques ; car ce n’était guère qu’à des eunuques que les rois confiaient la garde de leurs trésors. Aussi haïssait-il mortellement Démétrius ; et, raillant sur sa passion pour Lamia, il disait un jour : « Jusqu’alors je n’avais jamais vu une courtisane jouer la tragédie[1]. — Cette courtisane, répondit Démétrius, est plus sage que sa Pénélope. »

En quittant le Péloponnèse pour retourner à Athènes, il écrivit aux Athéniens qu’il voulait, à son arrivée dans leur ville, être initié en même temps aux grands et aux

  1. Les femmes ne montaient pas sur le théâtre.