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troupes pour lui faire lever le siège de Soli, en Cilicie, l’envoya prier de lui faire voir ses machines, et de faire voguer devant lui ses galères. Démétrius le lui ayant accordé, Lysimachus en fut tellement étonné, qu’il s’en retourna sur-le-champ avec ses troupes.

Les Rhodiens, qu’il tenait assiégés depuis longtemps, ayant fait la paix avec lui, le prièrent de leur donner quelques-unes de ses machines, afin d’avoir dans leur ville un monument de sa puissance et de leur valeur. Or, Démétrius avait fait la guerre aux Rhodiens, parce qu’ils étaient alliés de Ptolémée. Pendant le siège de leur ville, il fit approcher des murailles la plus grande de ses hélépoles : elle avait une base carrée, et ses côtés, qui avaient chacun quarante-huit coudées de longueur sur soixante-six de hauteur, allaient en se rapprochant les uns des autres jusqu’au sommet ; l’intérieur était partagé en plusieurs étages, qui avaient chacun plusieurs chambres ; et le devant, qui faisait face à l’ennemi, était ouvert. Chaque étage avait une fenêtre d’où partaient des traits de toute espèce ; car la machine était remplie d’hommes valeureux qui savaient faire usage de toutes sortes d’armes. Dans sa marche elle ne branlait ni ne penchait d’aucun côté ; ferme et droite sur sa base, toujours en équilibre, elle s’avançait avec une grande roideur et un mugissement effroyable ; elle offrait à l’œil un spectacle attachant, et imprimait en même temps une vive frayeur dans l’âme. On apporta de Cypre à Démétrius, pour cette guerre, deux cuirasses de fer, du poids de quarante livres. Zoïle, l’artiste qui les avait faites, voulant montrer leur force et l’excellence de leur trempe, demanda qu’il fût lancé contre l’une d’elles, à la distance de vingt-six pas, un trait de batterie : l’épreuve fut faite, et ne laissa sur le fer aucune trace sensible : on n’y vit qu’une rayure presque imperceptible, comme aurait pu faire un stylet. Démétrius prit pour lui cette cuirasse, et donna l’autre à