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struction. Né avec un esprit inventif, il n’employait pas son amour pour les arts à des bagatelles, à des amusements inutiles, comme les autres rois, qui passaient leurs moments de loisir les uns à jouer de la flûte, les autres à peindre ou à tourner.

Aéropus, le Macédonien[1] passait son temps à faire de petites tables et de petites lampes. Attalus Philométor[2] cultivait les plantes vénéneuses, non-seulement la jusquiame et l’ellébore, mais aussi la ciguë, l’aconit et le dorycinium[3] : il les plantait ou les semait lui-même dans ses jardins ; il s’appliquait avec un soin extrême à connaître les propriétés de leurs fruits et de leurs sucs, et les cueillait lui-même dans la saison. Les rois parthes faisaient gloire de forger et d’aiguiser eux-mêmes les pointes de leurs flèches. Mais Démétrius portait, jusque dans les arts mécaniques, la dignité d’un roi ; tous ses travaux avaient un caractère de grandeur : la subtilité et la recherche de ses ouvrages annonçaient l’élévation d’esprit et le grand courage de l’inventeur ; leur conception, leur magnificence et même leur seule exécution, paraissaient dignes de la main d’un roi. Leur grandeur étonnait ses amis, et leur beauté charmait ses ennemis mêmes. Cet éloge n’est point dicté par la flatterie : c’est l’expression simple de la vérité. En effet, ses galères à quinze et seize bancs de rameurs faisaient l’admiration de ses ennemis lorsqu’ils les voyaient voguer le long de leurs côtes ; et ses hélépoles[4] étaient un spectacle curieux pour les villes mêmes qu’il assiégeait : les faits le prouvent. Lysimachus, qui de tous les rois était celui qui haïssait le plus Démétrius, et qui était venu contre lui avec ses

  1. Aéropus II, qui s’était emparé du royaume de Macédoine en faisant périr son pupille Oreste, fils d’Archelaüs II.
  2. Attalus III, fils d’Eumène II et de Stratonice.
  3. On se servait de cette plante pour empoisonner le fer des flèches.
  4. Ce mot signifie qui prennent les villes.