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terre et de mer ; et il y eut d’abord de part et d’autre des pourparlers qui se passèrent en menaces et en bravades réciproques. Ptolémée intimait à Démétrius l’ordre de se retirer, avant, disait-il, que toutes ses forces réunies vinssent l’écraser. Démétrius offrait à Ptolémée de le laisser retirer, s’il consentait à délivrer Sicyone et Corinthe des garnisons qui les tenaient en servitude. La bataille qui se préparait suspendait non-seulement Démétrius et Ptolémée, mais aussi tous les autres princes, dans l’attente des événements qui devaient en être la suite, et qui étaient fort incertains : toutefois, chacun pensait que le succès ne se bornerait pas à rendre le vainqueur maître de Cypre et de la Syrie, mais qu’il en ferait le plus puissant des rois.

Ptolémée, cinglant à pleines voiles, s’avança contre Démétrius avec cent cinquante vaisseaux, et envoya dire à Ménélas de sortir de Salamine[1] lorsqu’on serait au plus fort du combat, et de venir avec soixante navires charger l’arrière-garde de Démétrius, afin de la mettre en désordre. Mais Démétrius laissa dix vaisseaux pour faire tête à ceux de Ménélas, jugeant ce nombre suffisant pour garder l’issue du port, qui était fort étroite, et empêcher Ménélas d’en sortir. Pour lui, après avoir distribué et rangé son armée de terre sur les pointes qui s’avançaient dans la mer, il prit le large, et alla charger avec tant d’impétuosité et un si grand effort la flotte de Ptolémée, qu’il la rompit. Ptolémée, se voyant vaincu, prit précipitamment la fuite avec huit vaisseaux, les seuls qu’il put sauver ; car, de tous les autres, un grand nombre furent brisés dans le combat, et soixante-dix avec leur équipage tombèrent au pouvoir de l’ennemi. Ses domestiques, ses amis, ses femmes, ses provisions d’armes, son argent, ses machines de guerre, enfin tout ce qui

  1. Il s’agit de Salamine en Cypre.