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faisait à leur ville ; mais Démétrius était naturellement porté à faire des noces, car il avait déjà plusieurs femmes. Phila était celle qu’il honorait le plus, et qu’il traitait avec le plus d’égards, et comme fille d’Antipater et comme veuve de Cratère, celui des successeurs d’Alexandre que les Macédoniens avaient le plus aimé et qu’ils regrettaient davantage. Démétrius était fort jeune lorsque son père lui fit épouser Phila, déjà vieille ; et, comme il témoignait de la répugnance pour ce manage, Antigonus lui dit à l’oreille :

Là où l’on trouve à gagner, il faut épouser, en dépit même de nature,

substituant assez heureusement, dans le vers d’Euripide, à l’expression se faire esclave, un mot de pareille mesure[1] Mais, malgré les honneurs dont Démétrius comblait Phila et ses autres femmes, il ne laissait pas néanmoins de vivre avec des courtisanes, et d’avoir commerce avec des femmes libres ; de sorte qu’il était le plus décrié des rois pour ses débauches.

Sur ces entrefaites, son père le rappela, pour l’envoyer disputer à Ptolémée l’île de Cypre. Il dut obéir, malgré le regret qu’il avait d’abandonner la guerre de Grèce, qui lui semblait plus honorable et plus brillante. Avant son départ, il députa vers Cléonidas, lieutenant de Ptolémée, qui occupait Sicyone et Corinthe, pour lui offrir des sommes considérables, s’il voulait retirer de ces villes les garnisons qu’il y tenait. Cléonidas ayant rejeté sa proposition, il s’embarqua sur-le-champ avec ses troupes, et fit voile vers Cypre. En arrivant, il attaqua et battit Ménélas, frère de Ptolémée. Bientôt après, Ptolémée lui-même parut avec des forces considérables de

  1. Dans le vers d’Euripide, Phénic., 398, il y a δουλευτέον, et Antigonus dit γαμητέον.