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conçurent un merveilleux désir d’affranchir la Grèce, que Cassandre et Ptolémée tenaient sous le joug. Jamais guerre plus honorable et plus juste ne fut entreprise par aucun roi : toutes les richesses qu’ils avaient amassées en pillant et en affaiblissant les Barbares, ils les employaient pour mettre les Grecs en liberté, dans la seule vue de l’honneur et de la gloire qui leur en devaient revenir. Quand ils eurent résolu de s’embarquer pour aller assiéger Athènes, un des amis d’Antigonus lui dit que, s’ils se rendaient maîtres de cette ville, ils devaient la garder pour eux-mêmes, comme une échelle pour monter dans la Grèce. Mais Antigonus n’écouta point ce conseil. « La meilleure échelle et la plus solide, répondit-il, c’est l’affection des peuples ; et Athènes, qui est en quelque sorte le fanal de l’univers, fera briller partout la gloire de nos actions. »

Démétrius fit voile pour Athènes avec cinq mille talents d’argent[1] et une flotte de deux cent cinquante vaisseaux. Démétrius de Phalère gouvernait la ville pour Cassandre, et le fort de Munychie était défendu par une bonne garnison. La fortune seconda si bien la prévoyance de Démétrius, qu’il parut devant le Pirée le vingt-six du mois Thargélion[2], sans que personne se fût douté de sa marche. Quand la flotte approcha, les Athéniens, ne doutant point que ce ne fût celle de Ptolémée, se préparèrent d’abord à la recevoir ; mais les généraux, ayant plus tard reconnu la méprise, se mirent sur la défensive. Le trouble, comme on peut penser, fut grand dans la ville, les Athéniens se trouvant réduits à repousser un ennemi qui abordait sans être attendu, et qui déjà faisait sa descente. Car Démétrius avait trouvé les barrières du port ouvertes, et y était entré sans obstacle : on le voyait

  1. Environ trente millions de francs.
  2. Partie d’avril et de mai.