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dans la bataille, et lui fit porter ce mot plein de douceur et de bonté : « La gloire et l’empire, et non les autres biens, doivent être, entre nous, le seul objet de la guerre. » Démétrius, en recevant cette faveur, pria les dieux qu’il ne demeurât pas longtemps redevable d’une si grande dette envers Ptolémée, mais de lui fournir bientôt l’occasion de lui rendre la pareille. Il ne se laissa point abattre, comme aurait pu faire un jeune homme qui, dès son début, éprouve un tel échec ; au contraire, en général consommé, et comme un homme accoutumé aux vicissitudes de la fortune, il se mit à lever de nouvelles troupes et à faire d’autres préparatifs ; il contint les villes sous son obéissance, et exerça les milices qu’il avait mises sur pied.

Lorsqu’Antigonus apprit la perte de la bataille, il ne dit autre chose, sinon que Ptolémée venait de vaincre des adolescents, mais que bientôt il aurait à combattre des hommes. Toutefois, ne voulant ni ravaler ni retenir le courage de son fils, il ne s’opposa point à la demande que lui fit Démétrius de se mesurer de nouveau avec Ptolémée. Peu de temps après, Cillès, lieutenant de Ptolémée, arriva avec une armée nombreuse, ne doutant point de chasser aisément de la Syrie Démétrius, qu’il regardait avec mépris depuis sa défaite. Mais Démétrius tomba sur lui au moment où il s’y attendait le moins, jeta l’épouvante parmi ses troupes, les mit en déroute, s’empara de son camp et de sa personne, fit sept mille prisonniers, et emporta un butin immense. Il fut ravi de ce succès, moins pour les richesses qu’il lui avait acquises, que parce qu’il lui procurait les moyens d’acquitter sa dette, et se montra moins sensible à la gloire et au butin qui en était le fruit, qu’au plaisir de payer un bienfait et de satisfaire à la reconnaissance. Néanmoins il ne voulut pas le faire de son autorité : il en écrivit à son père ; et, Antigonus lui ayant laissé toute liberté d’en agir comme