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Les autres families royales, au contraire, sont presque toutes souillées par des meurtres de fils, de mères et de femmes. Les meurtres de frères y étaient regardés comme chose ordinaire ; car, de même que les géomètres exigent qu’on leur passe certaines propositions, qui doivent servir de base à leurs démonstrations, de même aussi concédait-on à ces rois, comme garantie de sûreté, l’extermination de leurs frères.

Le fait suivant est une preuve sensible que Démétrius était, dans sa jeunesse, très-humain et fort attaché à ses amis. Mithridate, fils d’Ariobarzane, qui était à peu près de son âge, était son camarade et son ami particulier ; Mithridate faisait assidûment la cour à Antigonus ; mais il n’était ni ne passait point pour un méchant homme. Cependant Antigonus eut un songe qui lui donna des soupçons contre lui. Il lui sembla être dans un vaste champ où il semait de la limaille d’or, et que de cette semence s’élevait une moisson d’or, mais que, quelque temps après, étant revenu dans le champ, il n’y avait plus trouvé que le chaume dépouillé de ses épis ; et, comme il s’affligeait vivement de cette perte, il entendit des gens qui disaient que Mithridate avait coupé cette riche moisson ; et qu’il s’était retiré vers le Pont-Euxin. Troublé de ce songe, Antigonus appela son fils ; et, après lui avoir fait promettre sous serment de garder le secret, il lui raconta le songe qu’il avait eu, et lui déclara qu’il avait résolu de se défaire de Mithridate. Démétrius en fut fort affligé ; et, Mithridate étant venu le voir, à son ordinaire, pour se divertir avec lui, il n’osa pas, à cause de son serment, lui dire de bouche ce qu’il avait entendu ; mais il le tira peu à peu à quelque distance de ses amis, et, quand ils furent seuls,