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vérifié cette maxime de Platon, que les natures fortes produisent les grands vices comme les grandes vertus. En effet, adonnés l’un et l’autre à l’amour des femmes et du vin, grands guerriers, magnifiques dans leurs dons, prodigues et insolents, ils eurent aussi dans leur fortune de grands traits de ressemblance. Non-seulement ils ont eu dans le cours de leur existence de glorieux succès et de grands revers, ils ont fait de grandes conquêtes et des pertes funestes, ils sont tombés inopinément dans des malheurs extrêmes, et s’en sont relevés contre toute espérance ; mais ils ont presque fini de la même manière : l’un tomba entre les mains de ses ennemis, et l’autre fut sur le point d’y tomber.

Antigonus eut deux fils de Stratonice, fille de Corrhéus : il appela l’aîné Démétrius, du nom de son frère, et l’autre Philippe, du nom de son père. C’est ainsi que l’écrivent la plupart des historiens. Toutefois, quelques-uns prétendent que Démétrius n’était pas fils d’Antigonus, mais son neveu ; ils disent qu’ayant perdu son père en bas âge, et sa mère s’étant remariée aussitôt après avec Antigonus, il passa pour fils de ce dernier. Philippe, qui n’était de guère moins âgé que Démétrius, mourut bientôt. Démétrius, quoique d’une taille avantageuse, était moins grand que son père ; mais sa beauté était si parfaite, son air si noble et si majestueux, que jamais peintre ni sculpteur ne put attraper sa ressemblance : son visage exprimait à la fois la douceur et la gravité, le terrible et l’agréable ; et à la fierté, à la vivacité de la jeunesse, étaient joints un air héroïque, une dignité vraiment royale, presque impossible à imiter. Ses mœurs offraient le même contraste : elles étaient également propres à effrayer et à plaire. Dans ses mo-