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par Agis et achevée par Cléomène était fondée sur l’autorité la plus honnête et la plus respectable : ils s’étaient proposé pour modèle les anciennes lois de leurs pères sur la tempérance et l’égalité, les unes établies par Lycurgue, et les autres données par le dieu de Pytho lui-même. Une différence plus grande encore, c’est que les changements introduits par les Gracques n’ajoutèrent en rien à la puissance de Rome : au contraire, ceux de Cléomène firent voir à la Grèce Sparte devenue en peu de temps maîtresse du Péloponnèse, et combattant, contre les peuples les plus puissants, pour l’empire de la Grèce ; et cela dans le but unique de délivrer les Grecs des armes des Illyriens et des Gaulois, et de les remettre sous le sage gouvernement des descendants d’Hercule.

Il me semble aussi que la différence de leur mort prouve qu’il y avait de la différence dans leur vertu. Car les Gracques, après avoir combattu contre leurs propres concitoyens, prirent la fuite et périrent misérablement[1] ; tandis que, des deux Spartiates, Agis, pour ne faire mourir aucun de ses concitoyens, se sacrifia lui-même par une mort en quelque sorte volontaire ; Cléomène, poussé à bout par les injustices et les outrages qu’il lui fallait essuyer, voulut enfin s’en venger ; mais, les circonstances n’ayant pas secondé son courage, il se tua lui-même généreusement. Que si on les considère les uns et les autres sous un autre rapport, on trouvera qu’Agis, prévenu par la mort, n’eut jamais l’occasion de signaler son courage ; et qu’aux victoires aussi nombreuses que brillantes de Cléomène, on peut opposer l’action glorieuse de Tibérius, lorsqu’au siège de Carthage il monta le premier sur la brèche, et le traité qu’il fit devant Numance, lequel sauva la vie à vingt mille Romains, qui n’avaient nul espoir de salut. Pour Caïus, il donna, et dans cette

  1. Cette assertion n’est pas exacte pour les deux frères.