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moins n’y a que trop donné lieu par son imprudence, est exposé sur le Forum : le Sénat environne son lit funèbre et l’arrose de larmes ; il honore de sa présence le convoi d’un simple mercenaire ; et cela pour se ménager une occasion de faire périr le dernier des protecteurs du peuple. »

Le Sénat rentra en séance, et fit un décret par lequel il chargeait Opimius d’user de tout son pouvoir pour maintenir la sûreté publique et exterminer les tyrans. D’après ce décret, le consul ordonna aux sénateurs de prendre les armes, et aux chevaliers de venir le lendemain matin, amenant avec eux chacun deux domestiques armés. Fulvius, de son côté, se prépara à la défense, et rassembla autour de lui une foule considérable. Caïus, en s’en retournant du Forum, s’arrêta devant la statue de son père : il la considéra longtemps sans proférer une seule parole, puis il continua son chemin, versant des larmes et poussant de profonds soupirs. Le peuple, témoin de sa douleur, en fut vivement touché ; et, se reprochant mutuellement leur lâcheté d’abandonner, de trahir un tel homme, ils le suivirent, et passèrent la nuit devant sa maison, mais d’une tout autre manière que ceux qui veillaient à la garde de Fulvius. Ceux-ci ne firent que boire, pousser des cris de joie, et tenir des propos pleins d’une audace extrême ; Fulvius lui-même le premier s’était plongé dans l’ivresse, et se permettait des discours et des actions indignes de son âge et de son rang. Au contraire, ceux de Caïus gardaient un profond silence, comme dans une calamité publique ; ils songeaient aux suites que pouvaient avoir ces premières démarches, et se relevaient tour à tour pour prendre quelque repos.

Le lendemain, au point du jour, ce ne fut qu’à grand’peine qu’on put réveiller Fulvius, tant l’ivresse l’avait plongé dans un sommeil profond : tous ses gens s’armè-