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tout à l’entour dans le dessein de les louer. Caïus leur ordonna de les enlever, afin que les citoyens eussent les places libres, et pussent voir le spectacle sans payer. Mais, comme personne n’obéissait à l’injonction, il attendit la nuit qui précéda les jeux, et alors, prenant avec lui tous les ouvriers dont il put disposer, il fit abattre les échafauds ; et le lendemain il montra au peuple la place vide, d’où l’on pouvait à l’aise voir les jeux. Cette action lui acquit, parmi le peuple, la réputation d’un homme de courage ; mais ses collègues en furent offensés, et le regardèrent comme un esprit audacieux et téméraire. On croit même que c’est là ce qui lui fit manquer un troisième tribunat, bien qu’il eût obtenu la pluralité des suffrages : on prétend que ses collègues en firent un rapport infidèle et faux ; toutefois le fait ne fut pas avéré dans le temps.

Caïus ne supporta point avec modération l’affront qu’il venait de recevoir ; et, comme ses ennemis riaient de son échec, il leur dit, avec une arrogance déplacée, que c’était de leur part un ris sardonien, faute de sentir quelles ténèbres ses actes politiques avaient répandues autour d’eux. Opimius fut nommé consul ; et bientôt après on abrogea plusieurs des lois de Caïus, et l’on fit des recherches sur l’établissement de la colonie de Carthage. On voulait irriter Caïus, afin que, par ses emportements, il donnât lieu à quelqu’un de le tuer. Il montra d’abord assez de patience ; mais, à la fin, aiguillonné par ses amis, surtout par Fulvius, il rassembla assez de monde pour faire tête au consul. Sa mère entra, dit-on, dans ce projet séditieux, et soudoya secrètement bon nombre d’étrangers, qu’elle envoya à Rome, déguisés en moissonneurs. Ce fait se trouve énoncé d’une manière obscure dans les lettres qu’elle écrivait à son fils. Toutefois d’autres assurent que ce fut contre le gré de Cornélie qu’il se rengagea dans cette lutte politique.