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d’une fin si subite, et qu’on eut découvert sur son corps des traces de coups, suite de la violence qu’on avait exercée sur lui, comme nous l’avons écrit dans sa Vie, le meurtre fut attribué à Fulvius, qui était l’ennemi déclaré de Scipion, et qui, ce jour-là même, l’avait insulté du haut de la tribune. Caïus lui-même ne fut pas à l’abri de tout soupçon. Un attentat si horrible, commis sur la personne du premier et du plus grand des Romains, ne fut point vengé : on ne fit même aucune recherche pour en découvrir les auteurs. Le peuple s’y opposa, et arrêta toute poursuite, de peur que les informations ne donnassent des preuves contre Caïus ; mais cette mort est antérieure à l’époque dont nous parlons[1].

Tandis que Caïus était en Afrique, occupé du rétablissement de Carthage, qu’il avait nommée Junonia, les dieux manifestèrent, dit-on, par plusieurs signes funestes, que cette entreprise n’était point à leur gré. La première enseigne se brisa, cédant à la violence d’un vent impétueux et à la résistance même que fit pour la retenir l’homme qui la portait. Un ouragan dispersa les entrailles des victimes posées sur l’autel, et les transporta hors de l’enceinte qui avait été tracée pour la nouvelle ville. Des loups vinrent arracher les bornes mêmes de l’enceinte, et les emportèrent au loin. Mais ces présages n’arrêtèrent point Caïus : il ne mit que soixante et dix jours pour régler tout ce qui concernait l’établissement de la colonie ; après quoi il revint à Rome, car il avait appris que Fulvius était vivement pressé par Drusus, et que les affaires exigeaient sa présence. En effet, Lucius Opimius, homme attaché au parti oligarchique et puissant dans le Sénat, et qui, l’année précédente, avait échoué dans la poursuite du consulat par les menées de Caïus, grâce auxquelles Fannius avait emporté les

  1. C’était quatre ou cinq ans auparavant.